Explications (revenir à la pétition)

S'agit-il de refuser tout vote électronique ?

Non. Il ne s'agit pas de s'engager définitivement sur l'avenir mais uniquement sur les échéances électorales proches. On ne peut pas améliorer les ordinateurs ou les procédures existants. Réaliser correctement du vote électronique - ce qu'aucun pays n'est encore arrivé à faire - demanderait une percée de la recherche scientifique (pour l'instant, on ne sait pas comment faire, voir plus bas : “Qu'en pensent les scientifiques ?”), un débat national et des modifications législatives d'ampleur. Les points I et II appellent donc à continuer pour le moment avec le vote papier, et le point III appelle à réfléchir sereinement avant de décider de tout changement.

Ma ville n'utilise pas de vote électronique. Puis-je signer quand même ?

Bien sûr. Le texte a été écrit pour tout le monde. D'ailleurs, êtes-vous sûr que votre commune ne s'est pas équipée sans vous le dire ? Si vous ne lisez pas régulièrement le magazine municipal, cela a pu vous échapper. Si elle en fait le projet, vous n'en serez pas prévenu : c'est considéré comme une modernisation anodine. Enfin, vous pouvez être concerné indirectement : le résultat de votre bureau de vote risque d'être additionné à ceux comptés par informatique, venant d'autres villes.

“Je demande qu'on me donne des bulletins papier.”

Si votre bureau de vote n'a pas été informatisé, cette demande sera évidemment satisfaite. C'est néanmoins l'occasion de faire un peu de pédagogie : mieux vaut prévenir que guérir. Exprimez votre inquiétude sur le fait que le résultat de votre bureau de vote peut être additionné à ceux provenant de communes équipées en vote électronique, résultats dont la sincérité est questionnable. Affirmez votre attachement aux procédures traditionnelles.

Si votre bureau de vote est informatisé, nous ne voulons pas vous inciter à l'abstention. Vous pouvez avoir l'impression - l'opacité du vote électronique et certaines incertitudes de l'informatique ne permettent pas mieux qu'une impression - que votre suffrage a des chances raisonnables d'être pris en compte.

En revanche, d'autres actions que l'abstention sont possibles : de la demande au président du bureau de vote de noter au procès-verbal des incidents que vous auriez constatés, jusqu'à la contestation de l'élection (tout électeur le peut), en passant par le refus de signer le procès-verbal si vous êtes assesseur (ou le signer en émettant des réserves). Exemple ici de ce qui a été fait au printemps 2007.

Pour agir avant le jour de l'élection, voir ici.

“Je suis prêt à participer au dépouillement” (revenir à la pétition)

Certaines municipalités expliquent qu'il est difficile de trouver des électeurs volontaires pour revenir le soir participer au dépouillement. C'est une des principales motivations pour acquérir des ordinateurs de vote. Une autre difficulté est de trouver des assesseurs : ils sont alors remplacés par des employés municipaux, indemnisés. Dans ce dernier cas, c'est plus du ressort des partis politiques, mais dans les deux cas, ce désengagement du citoyen conduit au vote électronique. Si vous ne contribuez pas à inverser cette tendance, cette pente glissante nous conduira encore plus loin que les ordinateurs de vote, à des systèmes de vote en réseau dits “kiosques électroniques” : toujours plus d'informatique et de techniciens, de moins en moins de citoyens contrôlant les bureaux de vote.

Pourquoi “ordinateurs de vote” plutôt que “machines à voter” ?

Ce dernier terme a été introduit dans le Code électoral en 1969, époque où il ne s'agissait pas d'informatique. Les équipements de l'époque, entièrement mécaniques, fonctionnaient sans électricité ni batterie. Appelons un chat un chat, et ne nous laissons pas abuser par le marketing qui prétend qu'il s'agit d' « une calculette géante plutôt qu’un ordinateur ».

“puisque le fonctionnement de l'ordinateur est secret” (revenir à la pétition)

Presque tout est protégé par le secret industriel, depuis le code source de leur logiciel jusqu'aux rapports conduisant à leur autorisation (rapports d'agrément). Les urnes transparentes ont été remplacées par des boîtes noires.

“Tout citoyen ou groupe de citoyens doit pouvoir s'assurer directement, sans faire appel à des experts, de la sincérité du décompte.”

Vous craignez qu'il y ait de la fraude dans votre ville ? Dans une ville (pas trop grande), avec quelques amis vous pouvez vous organiser pour contrôler le fonctionnement de chacun des bureaux de vote. Traditionnellement, ce contrôle est assuré par les assesseurs venant de partis politiques opposés.

Une fraude du vote papier ne peut se réaliser que le jour de l'élection, nécessitant la complicité ou l'inattention des assesseurs ou des scrutateurs. Une fraude informatique peut s'effectuer à tout moment, par exemple en accédant à l'entrepôt de stockage des ordinateurs, à leur chaîne de fabrication, etc... Les assesseurs ne sont pas là pour le contrôler, et à l'ouverture du bureau de vote, ils n'ont pas de moyen réaliste de vérifier que l'ordinateur devant eux est identique à celui qui a été agréé. On n'a jamais eu besoin de se préoccuper de la façon dont sont stockées les urnes transparentes. On ne s'est jamais posé la question de l'intégrité d'un fabricant d'enveloppes.

Une autre différence entre fraude papier et fraude informatique est le nombre de personnes impliquées. La fraude du vote papier devant nécessairement se dérouler à l'intérieur du bureau de vote, son ampleur est proportionnelle au nombre de bureaux de vote compromis. Par contre, une fraude informatique, étant réalisable en amont, permet à une poignée de personnes d'affecter de multiples bureaux de vote.

Il existe cette analogie : votre facteur ouvre peut-être votre courrier à la vapeur, pour le lire à votre insu. Ce serait désagréable, mais ce ne serait que quelques lettres à un endroit précis. L’équivalent électronique serait un ordinateur qui analyse vos courriels. Lui donner à examiner les courriels de tout le monde n’aurait rien d'irréaliste...

Nous vivons en démocratie représentative. (revenir à la pétition)

La plupart d’entre nous ne participent pas aux décisions politiques. Néanmoins détenteurs de la “souveraineté populaire”, nous déléguons temporairement notre pouvoir à nos maires, à nos députés, à notre président... Nous n'exerçons directement le pouvoir que le jour des élections. Durant ce jour précis, nous ne devons rien déléguer, même à des techniciens habilités.

Pourquoi le vote électronique est-il impossible à contrôler ?

Des comparaisons infondées sont souvent faites avec les procédures bancaires. Vous pouvez contrôler l’exactitude d’une transaction bancaire a posteriori, par exemple en vérifiant vos relevés de compte, imprimés sur du papier bien tangible. Toutes les informations nécessaires à l’intégrité des données peuvent être mémorisées : il n’y a pas de secret entre vous et votre banque (alors que votre vote doit rester secret et “intraçable”).

De même, si votre réservation aérienne se perd dans l’éther informatique, on ne vous laissera pas monter dans l’avion, et vous pourrez protester, preuve de débit bancaire à l’appui.

Ceci pour dire que tous les systèmes informatiques ont des conséquences vérifiables dans le monde réel. Presque tous... Si l'ordinateur modifie votre vote, qui s’en apercevra ?

Une pétition électronique contre le vote électronique, n'est-ce pas contradictoire ?

Ce qui rend le vote électronique incontrôlable est le secret du vote (voir paragraphe précédent). Votre signature d'une pétition est publique. Dans le cas de la notre, il vous est proposée l'option de ne pas publier sur Internet votre signature. Elle sera néanmoins connue des administrateurs de la pétition et de son destinataire : le Président de la République.

“le bricolage hâtif et sans concertation d'une loi datant de 1969”

Aussi surprenant que ça paraisse, le Parlement n'a jamais débattu de ces ordinateurs de vote. Un cadre législatif datant de 1969, concernant des machines mécaniques (elles fonctionnaient sans électricité), a été adapté en 2003 par arrêté du Ministère de l'Intérieur.

“Plus d'un million d'électeurs ont été concernés en 2007.” (revenir à la pétition)

Ici, la liste des villes équipées. Six villes de plus de 100 000 habitants ont voté par ordinateur : Boulogne-Billancourt, Brest, le Havre, Reims, Le Mans et Mulhouse (Amiens les a laissés en démonstration). D'autres villes ont abandonné au moment de les acheter : Cannes, Grenoble, Sceaux, St Denis...

“la suspension de toute utilisation des ordinateurs de vote déjà en place”

D'autres textes ont employé le terme de “moratoire”. C'est équivalent.

“des états généraux sur l'amélioration de l'organisation des élections”

Nous ne sommes pas passéistes. Nous n'affirmons pas que le système électoral actuel est parfait. Toutefois, l'essentiel est ailleurs : il faut donner envie aux citoyens d'aller voter. Sur un plan pratique, il faut les inciter à participer plus nombreux à l'organisation des élections, comme scrutateurs ou comme assesseurs. Une modification d'ampleur comme le vote électronique doit faire l'objet d'un débat national et doit être décidée par référendum.

Pourquoi ne pas demander que le vote électronique fournisse une trace papier, ou que le code source des logiciels employés soit publié ?

De telles demandes ont été formulées par d'autres textes. Nous n'avons pas créé le problème, alors nous ne sommes pas tenus d'apporter une solution. Ne rentrons pas dans des débats techniques. Le vote électronique est encore immature et demande un réel effort de recherche scientifique. Son opportunité même doit être débattue.

Qu'en pensent les scientifiques ? (revenir à la pétition)

L'ASTI (Fédération des Associations Françaises des Sciences et des Technologies de l'Information) a adopté le 13 décembre 2007 la motion suivante :

« La Fédération des Associations Françaises des Sciences et des Technologies de l'Information appelle à ne pas recourir au vote électronique anonyme au nom du principe de précaution.

L'ASTI est convaincue que les sciences et technologies de l'information peuvent contribuer positivement au développement de la démocratie. Elle tient cependant à alerter les pouvoirs publics sur l'impossibilité, en l'état actuel de la technologie, de réaliser un vote anonyme contrôlable directement par les électeurs et en conformité avec les dispositions de la Constitution et du Code électoral. Des recherches se développent mais n'ont pas encore abouti à des systèmes permettant l'exercice d'un contrôle démocratique indiscutable.
Dans l'attente de ces avancées scientifiques et technologiques, l'ASTI recommande que de telles recherches soient poursuivies et que pouvoirs publics, partis politiques et société civile ne recourent en aucune manière au vote électronique anonyme, y compris au moyen de machines à voter.»

Cette motion va bien au-delà de celle de l'ACM (traduction) qui remonte à 2004 (dans la courte histoire du vote électronique, c'est lointain). L’ACM (Association for Computing Machinery, association d’informaticiens fondée en 1947, forte de 80 000 membres) avait demandé des ordinateurs de vote plus rigoureusement conçus et permettant à l’électeur de vérifier une trace physique telle que du papier. En 2004, l'ajout de cette “trace papier” semblait apporter des solutions qui se sont depuis révélées inopérantes.

La motion de l'ASTI concerne tout type de vote électronique, qu'il s'effectue à distance (en général par Internet) ou dans un bureau de vote au moyen d'un ordinateur pourvu ou non d'une “trace papier”, dès lors que le scrutin est secret (cela exclut par exemple le vote à l'Assemblée Nationale).

Qu'en pense la CNIL, dont le supposé avis favorable est parfois mis en avant ?

En aucun cas la CNIL n'a approuvé tel ou tel modèle d'ordinateur de vote. Cela échappe à sa mission car les ordinateurs de vote ne manipulent pas de données à caractère personnel. La CNIL a simplement indiqué en 2003 un cadre pour tout vote électronique (par Internet ou en bureau de vote)1, et ne s'est plus prononcée depuis à propos des ordinateurs de vote, si ce n'est pour recommander une “évaluation globale des dispositifs de vote électronique”2, recommandation qui n'a pas été suivie d'effet à ce jour.



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1Délibération n°03-036 du 1er juillet 2003. Voir également le rapport 2003, page 92 et suivantes.

2CNIL, rapport d'activité 2004 (paru début 2005), page 70.